Santé

« J’avais des bouffées de chaleur à 27 ans » : elles racontent leur ménopause précoce

SANTÉ – Stéphanie, 36 ans, se souvient parfaitement de la date où elle a appris qu’elle était ménopausée. « C’était le 13 juillet 2023, on s’apprêtait à partir en week-end de quatre jours en amoureux avec mon conjoint. On les a passés à pleurer », raconte-t-elle.

La trentenaire avait arrêté la pilule quelques mois plus tôt après une erreur de plaquettes. Les semaines ont passé et ses règles ne sont jamais venues. D’autres symptômes, en revanche, ont fait leur apparition : bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale. Après une échographie pelvienne inquiétante, sa prise sang affiche des « taux catastrophiques ». Le verdict tombe : elle est en ménopause précoce.

« Ça a vraiment été le choc, explique-t-elle un an plus tard. On traînait un peu sur le fait d’avoir un enfant, mais on allait s’y mettre. Moi qui disais “on a le temps, il faut qu’on profite…” . Là pour le coup, ça a remis l’église au milieu du village. »

Au-delà de la question de l’infertilité, vivre sa ménopause avant même d’avoir franchi le cap des 40 ans est presque toujours un séisme pour les femmes concernées. Symptômes, traitement, intimité… Trois d’entre elles témoignent de leur expérience auprès du HuffPost.

Une maladie qui requiert un traitement

Mais rectifions un point avant d’aller plus loin : même si nous avons jusqu’ici choisi le terme de « ménopause précoce », il n’est plus utilisé par les professionnels de santé, qui lui préfèrent celui d’« insuffisance ovarienne prématurée » (IOP). L’IOP désigne donc la fin de l’activité ovarienne avant 40 ans, une pathologie qui concerne 1 % des femmes de cette tranche d’âge et dont la cause est, dans plus de 80 % des cas, inconnue.

« Les symptômes sont exactement les mêmes que ceux qu’il peut y avoir dans une ménopause physiologique [celle qui a lieu à la cinquantaine, ndlr.] sauf qu’ils surviennent plus tôt et qu’ils sont souvent plus marqués », détaille Florence Trémollières, professeure de gynécologie médicale et directrice du centre de ménopause de l’hôpital Paule de Viguier à Toulouse.

Dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser le mot ménopause ? « Parce que l’insuffisance ovarienne prématurée est une maladie, explique la médecin. On a utilisé ce terme pour bien expliquer qu’il s’agissait d’un problème de santé pathologique, et non physiologique, et que cela devait se traiter obligatoirement, et au minimum jusqu’à l’âge habituel de la ménopause physiologique, c’est-à-dire 50 ans. »

Car les patientes atteintes d’IOP ne subissent pas seulement des symptômes sur le court terme. En l’absence de traitement hormonal substitutif, le risque de développer un certain nombre de pathologies (infarctus du myocarde, AVC, ou encore maladie d’Alzheimer) augmente.

Fatigue, bouffées de chaleurs et errance médicale

Le traitement, c’est justement la première chose à laquelle Marie, 35 ans, a pensé au moment de son diagnostic. Elle a alors 31 ans, des bouffées de chaleur depuis la vingtaine et des cycles très irréguliers depuis un an. « Les gens ont tendance à me parler tout de suite du désir d’enfant mais ce n’est pas du tout la première chose à laquelle j’ai pensé, se souvient-elle. Je me suis dit : OK, je vais devoir prendre un traitement pendant des décennies, quel impact cela va avoir sur ma vie ? Est-ce que cela va fonctionner ? Dans le cas où cela ne fonctionnerait pas, je me disais je ne survivrais pas dans cet état-là. »

Car ses symptômes étaient particulièrement handicapants. Elle décrit un état de fatigue « ingérable » et des bouffées de chaleur « toutes les cinq minutes ». Si bien qu’elle avait dû être arrêtée pendant trois mois avant son diagnostic. « Je n’étais pas en capacité de faire quoi que ce soit. Je ne pouvais pas travailler, je voyais très peu de monde. Ma vie était sur pause. »

Avec le recul, elle décrit aussi les années d’errance médicale, toutes les fois où ses problèmes avaient été mis sur le compte de l’anxiété. Même après son diagnostic, le traitement (le plus souvent à base de comprimés ou de crème) n’a pas été évident, avec de nombreux changements de dosage, de posologie, pour trouver la bonne formule. Tous les médecins ne sont pas formés à ces questions. Même parmi les gynécologues, des déséquilibres existent puisque seules les gynécologues médicales (contrairement aux gynécologues obstétriciennes) sont systématiquement préparées à la prise en charge de la ménopause et de l’insuffisance ovarienne.

« Je me suis sentie un peu moins “femme” »

Outre le traitement et l’aspect médical, les patientes doivent aussi gérer les conséquences psychologiques et intimes qu’un tel chamboulement peut provoquer à un si jeune âge. La question de la fertilité est souvent la plus douloureuse, mais se pose aussi celle du rapport à son corps et à la féminité.

« Je me suis sentie un peu moins “femme”, raconte Stéphanie. Tout ce qui est associé à la ménopause aujourd’hui, c’est ultra-négatif. Parce que ça a beaucoup d’impact sur le corps, le moral, la vie sexuelle. Mais aussi parce que c’est vraiment associé avec le fait de pouvoir avoir des enfants et donc d’être une “vraie” femme. »

Louisa, 35 ans, a également connu ces questionnements. À 27 ans, elle n’avait plus ses règles depuis trois ans et déjà connu les traditionnelles bouffées de chaleur. Elle avait beau ne pas vouloir d’enfants, son diagnostic a tout de même provoqué des interrogations. « Ça m’a beaucoup poussée à me questionner sur ma vision de la féminité. À m’interroger sur ce que je représente socialement si je n’ai plus de “but de procréation”. Comment je suis vue dans les yeux des hommes, comment je suis vue dans ceux des femmes. »

Autant de bouleversements qui nécessitent souvent un accompagnement psychologique. C’est en tout cas ce que recommande Stéphanie, qui s’est lancée dans une longue démarche de FIV avec don d’ovocytes et a commencé à voir une psy pour l’aider à gérer toutes les choses « difficiles à encaisser ».

Huit ans après son diagnostic, Louisa a, elle, « trouvé un équilibre » et considère même « cette ménopause comme un très beau cadeau, pas toujours bien emballé, mais un très beau cadeau ». « Ça m’a permis de remettre ma santé au centre de ma vie, d’écouter mon corps, de me questionner sur ce qui est juste pour moi, explique-t-elle. Ça apporte une forme de sagesse. »

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