Santé

« Je ne connais plus le silence » : ils racontent la difficulté de vivre avec des acouphènes

SANTÉ – « Ça fait quatre ans que j’ai des acouphènes. Dites-vous que depuis, je n’ai jamais connu le silence », raconte Wesley, 19 ans. Dans une vidéo TikTok, il témoigne de ses difficultés à vivre avec un sifflement permanent dans les oreilles. En quatre jours, son histoire a été vue plus de 9 millions de fois et a donné des angoisses à une bonne partie d’internet.

Sa vidéo a déclenché des conversations bien au-delà de TikTok. En effet, il est loin d’être le seul à subir ce bruit parasite : les acouphènes concernent 16 millions de personnes en France. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à témoigner de leur expérience avec ces bourdonnements intempestifs et à saisir l’occasion de faire de la sensibilisation.

Un « enfer au quotidien »

Sous la vidéo du tiktokeur, de nombreux adolescents et jeunes adultes témoignent souffrir du même problème. « Acouphènes déclenchés après un feu d’artifice à l’âge de 8 ans, j’en ai 17 aujourd’hui c’est un enfer au quotidien », peut-on lire. « J’ai des acouphènes chroniques depuis que j’ai 10 ans c’est horrible ça s’arrête jamais […] j’ai appris à vivre avec mais maintenant il y a plein de trucs que je [ne peux] pas faire, [comme] écouter de la musique forte, aller en boîte ou en concert […] » détaille une utilisatrice sous le post. « J’en ai aussi. Quand il y a des bruits trop aigus, je souffre, trop forts, je souffre, quand il y a du silence, je souffre », raconte un autre.

Certains sont moins sûrs d’eux et interrogent le créateur de contenu et sa communauté. « J’entends h24 un bruit qui fait “bip”, c’est ça un acouphène ? » Interrogé en mars dernier par France Inter, le Professeur Jean-Luc Puel offre une définition plus précise. « Les acouphènes sont un symptôme d’une souffrance de l’oreille interne », explique le directeur de l’Inserm à Montpellier au micro de Mathilde Munos, avant de les décrire comme « des sifflements, des bourdonnements dans une oreille, ou les deux, ou dans la tête. Ils peuvent être stables, fluctuer au cours de la journée ou être intermittents. Ces bruits n’ont pas vraiment de signification, mais sont très invasifs. »

Sensibiliser aux traumatismes sonores

Véritable problème de santé publique, les acouphènes sont associés dans plus de 85 % des cas à une perte d’audition, qui peut être due à différents facteurs. « Bouchon d’oreille, séquelle d’AVC, pression intracrânienne ou hypertension… », énumère le spécialiste. Dans certains cas, la cause est réversible, comme lorsqu’ils sont dus à une tumeur sur le nerf auditif, qui peut être enlevée via une chirurgie.

Chez les jeunes, ils peuvent aussi être liés à des traumatismes sonores. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à s’interroger sur leur usage des écouteurs et des casques audio, avec lesquels il est possible d’écouter de la musique très fort et très longtemps. « J’ai baissé mon son à une vitesse… » écrit une utilisatrice sur X après avoir vu la vidéo.

D’autres profitent de la conversation pour sensibiliser au port de bouchons en concerts, en boîte de nuit ou lors de fêtes. Car d’après l’Inserm, le risque d’acouphènes augmente avec l’exposition au bruit au cours de la vie, notamment à des niveaux sonores trop élevés, liée à la destruction des cellules ciliées de l’oreille interne. Le nombre de décibels en est un bon indicateur : on considère qu’au-delà de 75 à 80 décibels, le bruit devient pénible, qu’à 85 décibels, il est nocif, et qu’au-dessus de 110 décibels, il devient rapidement dangereux pour l’audition.

Des aides pour mieux vivre avec les acouphènes

Malgré l’angoisse générée par la vidéo sur les réseaux sociaux, tous les témoignages ne sont pas aussi dramatiques. Ainsi, dans une discussion sur Reddit, un utilisateur voit le bon côté des choses : «[Je] traîne [un acouphène] à gauche depuis 35 ans. Non-stop. Degré de gêne 2 à 5 sur 10 suivant les jours. Mais j’en ai tiré un avantage. [Il] est en sol. Pratique pour accorder ma guitare »

Par ailleurs, dans son interview pour France Inter, Jean-Luc Puel est revenu sur les méthodes de traitement et d’accompagnement des acouphènes, pour les personnes qui ne pourraient pas en guérir. Le vieillissement de l’oreille étant le plus gros pourvoyeur d’acouphènes, il explique que les amplificateurs auditifs sont d’une grande aide pour les gérer. « On masque les acouphènes, et en plus, on détourne l’attention du patient », décrit-il.

Il souligne aussi l’existence de thérapie cognitive et comportementale ayant donné de bons résultats pour apprendre à vivre avec ces bruits. Pointant que les acouphènes peuvent créer des troubles anxio-dépressifs, il rappelle aussi l’importance d’un suivi psychologique pour les personnes qui en souffrent. Des solutions qui n’enlèvent rien à l’importance de la prévention : comme le scande Wesley pour conclure sa vidéo TikTok, « baissez le volume, mettez des boules Quies en soirée ».

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