Santé

La Seine est-elle vraiment plus polluée que votre plage préférée ?

SANTÉ – La Seine est polluée. Malgré la natation d’Anne Hidalgo et d’une poignée d’enthousiastes, malgré l’ouverture du bassin en préparation des épreuves des Jeux olympiques, plusieurs pluies on fait basculer le fleuve au-delà de la ligne rouge, au point de menacer le projet initial. Les nageurs olympiques ne goûteront peut-être pas l’eau douce qui traverse Paris.

Mais de quelle pollution s’agit-il ? On contrôle deux types de pathogènes : les entérocoques, des bactéries qui peuvent déclencher bien des désordres intestinaux, et la fameuse Escherichia coli, ou E. coli. Certaines souches de cette dernière sont responsables de symptômes variés, et parfois graves, des vomissements aux diarrhées sanglantes. Il faut donc s’assurer que leur concentration n’est pas trop élevée, dans l’eau douce comme dans l’eau de mer. Celle-là même où vous avez choisi de vous baigner, quelle que soit votre destination balnéaire.

C’est ainsi que l’on contrôle exactement les mêmes bactéries dans l’eau salée que dans les rivières de baignade. On ne va alors pas résister à la tentation de comparer. Certaines mines dégoûtées qui ont accompagné le plongeon de la Maire de Paris sont-elles justifiées alors qu’une partie de la France se prélasse sur les côtes ?

Des seuils de pollution différents

Dans la Seine, aux quatre endroits différents où l’eau est prélevée, la concentration en E. coli tourne normalement autour de 500 ufc (unités formatrices de colonies, la mesure de concentration des bactéries) pour 100 millilitres (ml), et pour les entérocoques autour de 100 ufc/100 ml. Si l’on prend maintenant au hasard la plage de Saint-Jean-de-Luz, qui ne fait pourtant pas partie des plus propres, on obtient autour de 100 ufc/100 ml pour E. coli (cinq fois moins), et moins de 15 ufc/100 ml pour les entérocoques. La capitale au sol, victoire du littoral par K.O… Mais en fait, pas vraiment.

D’abord, les seuils de pollution retenus ne sont pas les mêmes entre eau salée et eau douce : on estime ainsi que l’eau douce est d’une qualité excellente lorsqu’elle concentre moins de 500 ufc d’E.Coli par 100 ml, quand c’est deux fois moins dans l’eau salée. Idem pour les seuils de pollution dits « à court terme » qui désignent un pic brusque et localisé, soit exactement ce que vit la Seine après de fortes pluies :

Si ces paliers sont différents, c’est parce que la salinité est agressive pour ces pathogènes, surtout pour E. coli dont certaines souches peuvent survivre plus d’une centaine d’heures en eau douce, contre moins de vingt dans la mer. Résultat, un échantillon d’eau de mer contenant sensiblement moins de bactéries peut être l’indication d’une contamination en cours aussi importante, voire plus, qu’en eau douce, mais elle laisse moins de traces flotter dans l’eau. Voilà qui réduit déjà fortement l’écart entre la Seine et votre plage préférée.

Pourtant, plus de 90 % des sites de baignades sont jugés de bonne ou d’excellente qualité. Le site https://baignades.sante.gouv.fr/ , où sont répertoriés tous les lieux côtiers, le montre. Mais là encore, prenons votre loupe pour rendre l’eau de mer un peu moins buvable.

D’abord, certains lieux touristiques sont loin de la meilleure note : une qualité « suffisante » pour la plage de la Brèche, à côté de celle d’Arromanches, signifie qu’on y trouve à tout moment entre 250 et 500 ufc d’E. Coli par 100 ml prélevés. Revenons maintenant à nos mesures du début : à 500 ufc, on est au niveau normal de la Seine. Alors que ses seuils d’alerte sont bien plus hauts.

Les plages ont leurs petits secrets

L’eau de mer n’est donc pas si claire ? Non, et ce n’est pas fini. Les notations du site baignade.sante.gouv ne sont qu’une moyenne des relevés de la saison, pas un thermomètre exact : une journée avec de l’eau très polluée sera vite effacée par une semaine de propreté. Pour en revenir à notre plage de la Brèche, le 23 juillet, son taux d’E. coli était à… 1000 ufc/100 ml. Un niveau qui est celui d’une « pollution à court terme », qui fait immédiatement fermer la plage, mais sera gommée sur sa note globale.

Une association, labelleplage.fr, a décidé d’y remédier, en prenant mieux en compte les « mauvais » jours comme un facteur de risque. Et forcément, sa carte des plages n’est pas tout à fait de la même couleur.

Pour résumer, cette fermeture de la Seine qui a retardé l’épreuve de triathlon est une pollution de court terme comme bien des plages en connaissent. En temps normal, si les mesures sont bien moins élevées sur le littoral, les seuils sont eux-mêmes bien différents, ce qui rend finalement les taux de pollution largement comparables entre eau de la Seine et littoral. Mais il y a une dernière mauvaise nouvelle pour les amoureux du sable fin.

Comme l’explique l’ANSES dans une longue analyse sur le sujet, la concentration en pathogènes diminue à mesure que l’on s’éloigne du bord. Les contrôles ayant lieu à des profondeurs suffisantes pour mettre la tête sous l’eau, la concentration à la lisière de la mer n’est pas mesurée. Là où s’ébattent les enfants, pour construire un château ou se rouler dans les remous… Pas sûr, en définitive, que les nageurs de la Seine soient vraiment les plus à plaindre.

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