Santé

Peut-on parler « d’épidémie d’autisme » comme le ministre de la Santé de Trump ?

ÉTATS-UNIS – Une étude pour mieux développer son récit anti-vax ? C’est la stratégie que semble avoir choisie Robert Kennedy Jr ce jeudi 10 avril, lorsqu’il a annoncé en grande pompe durant un Conseil des ministres – en présence de Donald Trump – qu’il allait prochainement lancer une étude établissant les « causes » de ce qu’il qualifie d’« épidémie d’autisme ».

Les troubles du spectre autistique (TSA), marotte de Donald Trump et de son ministre de la Santé, font à nouveau les frais du narratif des deux hommes : insinuer un lien entre la vaccination et l’autisme. Donald Trump a d’ailleurs clairement fait le lien jeudi, affirmant qu’« il y a quelque chose qui cause » l’autisme. « Il est possible qu’il faille arrêter de prendre quelque chose, ou de manger quelque chose… ou peut-être que c’est un vaccin. »

Mais sur le fond, le ministre de la Santé de Donald Trump a-t-il raison d’employer le terme d’« épidémie » d’autisme ?

Une augmentation explicable

Malheureusement pour Robert Kennedy Jr et Donald Trump, tout n’est pas aussi simple avec les troubles du spectre autistique. Selon les chiffres de la principale agence sanitaire américaine (CDC), la prévalence des cas d’autisme est passée de 1 enfant sur 150 parmi ceux nés en 1992 à 1 sur 36 pour ceux nés en 2012. Une augmentation difficile à contester aux États-Unis, mais qu’il faut considérer avec précaution.

En cause ? Les progrès récents réalisés dans les diagnostics, le dépistage et la sensibilisation, qui expliquent en partie la multiplication des cas observée au fil des décennies. Le directeur de recherches au CNRS Franck Ramus faisait déjà ce constat en 2017 dans The Conversation en évoquant « un élargissement des critères (de classification diagnostique), et une meilleure reconnaissance des signes de la part des parents, des enseignants, et des médecins ».

Dans cet article, le chercheur du CNRS évoquait aussi un autre facteur pour expliquer cette augmentation constante des cas de TSA, en particulier aux États-Unis : « Au fur et à mesure que la prévalence de l’autisme augmentait aux États-Unis, celle de la déficience intellectuelle diminuait, montrant un phénomène de vases communicants entre les deux diagnostics ». Ainsi, de plus en plus de troubles du langage ou de cas de mutisme qui étaient précédemment considérés comme symptômes de déficience intellectuels ont progressivement été attribués à l’autisme.

Narratif anti-vax

Contacté par Le HuffPost, Franck Ramus rejette le diagnostic de RFK en renvoyant vers son article de 2017. Dans The Conversation, le chercheur écrivait : « Il n’y a pas lieu à l’heure actuelle d’évoquer une épidémie d’autisme, ni de s’inquiéter exagérément à propos de facteurs de risques nouveaux. » Ou d’avancer des hypothèses hasardeuses, comme l’a fait Donald Trump, sur les causes du trouble autistique.

D’ailleurs, il n’existe pas de cause unique identifiée. En revanche, des facteurs environnementaux associés à des troubles autistiques ont été mis en lumière. Comme la présence d’une neuro-inflammation, des prédispositions génétiques ou encore la prise de certains médicaments durant la grossesse. La recherche se poursuit également sur d’autres domaines, comme la pollution atmosphérique notamment.

Sauf qu’en employant ce vocabulaire bien précis qui instille le doute chez ceux qui ignorent les consensus scientifiques autour de ces questions, Robert F. Kennedy Jr et Donald Trump cherchent à servir un narratif construit de longue date. Dernier exemple d’une longue série de déclarations anti-vaccins des deux hommes.

Après sa prise de poste, le ministre de la Santé a par exemple fait le lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et l’apparition de l’autisme. Un lien contesté de longue date par la communauté scientifique, notamment par des études menées aux États-Unis. Malgré des nuances dans ses propos sur le vaccin ROR face au retour inquiétant de l’épidémie de rougeole aux États-Unis, Robert Kennedy JR n’en reste pas moins un anti-vax patenté qui n’hésite pas à s’appuyer sur des thèses complotistes pour affirmer ses positions controversées.

Lors de son audition pour confirmer sa nomination au poste de ministre, il assurait devant le Sénat que les vaccins « ne provoquent pas l’autisme ». Et promettait même de s’excuser « pour (s)es propos passés qui ont pu induire les gens en erreur ». Une promesse vite oubliée.

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