Pour ces personnes grosses, la commercialisation de Wegovy n’est pas une si bonne nouvelle
SANTÉ – « La question principale, c’est : pourquoi vous voulez éradiquer les gros du monde ? » interroge Marie de Brauer, auprès du HuffPost. L’humoriste, journaliste et autrice réagit à la commercialisation de Wegovy en France, un médicament anti-obésité injectable, disponible sur ordonnance depuis le 8 octobre.
Parfois présenté comme une nouvelle « solution miracle », il génère pourtant de la méfiance chez de nombreuses personnes concernées par cette arrivée sur le marché. Dans une société qui valorise la minceur à outrance, la commercialisation de Wegovy peut-elle aggraver la grossophobie ? C’est ce qui inquiète plusieurs personnes engagées contre les discriminations envers les personnes grosses.
Faire maigrir les gens « à tout prix » ?
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes grosses témoignent de leur lassitude. C’est le cas de Lisa et Nina, dans un épisode du podcast Mon Gros. Les deux hôtes, qui se présentent comme militantes anti-régime (selon l’Anses, le poids perdu lors d’un régime amaigrissant est repris dans 95 % des cas sous cinq ans), déplorent l’arrivée, dans le champ médiatique, d’une nouvelle « solution pour faire maigrir les gens à tout prix, quoi qu’il en coûte ».
Nina et Lisa rappellent que ce discours, qui concerne aujourd’hui les injections de Wegovy, a été tenu il y a quelques années à propos de la chirurgie bariatrique, ou encore des médicaments coupe-faim. Le tout, sans mettre en avant les effets secondaires qui peuvent être assez lourds pour les personnes qui y ont recours. Dans le cas de Wegovy, on compte les nausées, les vomissements et les diarrhées, par exemple. Les inquiétudes ne s’arrêtent pas là : sur les réseaux sociaux nombreuses sont les personnes qui évoquent le souvenir du scandale du Mediator, médicament pour les personnes diabétiques détourné en outil pour la perte de poids accusé d’avoir coûté la vie à plus de 1 000 personnes en France.
« On est loin de “prenez soin de votre santé” »
Pour l’humoriste Marie de Brauer, qui a parlé du médicament dans sa chronique sur France Inter, le principe même du coupe-faim est à remettre en question. « Les solutions qu’on propose aux gros, c’est toujours “arrêtez d’être gros”. Mais les comportements alimentaires qu’on leur demande sont violents », nous explique la stand-uppeuse, avant de détailler : « Si c’était une personne mince qui faisait tout ça, on appellerait ça des troubles du comportement alimentaire. Couper la faim pour ne pas ressentir le manque de nourriture, c’est violent. Vous imaginez si on utilisait des médicaments pour couper la soif ? Pour moi, on est loin de “prenez soin de votre santé, de vous”. En tant que meuf grosse, ce n’est pas du tout un truc que j’ai envie de faire. »
Pour autant, les effets redoutés de cette commercialisation de Wegovy en France vont bien plus loin que l’échelle individuelle. C’est plutôt l’aggravation des discriminations envers les personnes grosses qui inquiète. Marie, fat-activist derrière le compte Instagram « Fat Ethnographies », qui recueille des témoignages de grossophobie, l’explique au HuffPost : « De nombreuses études montrent que les biais grossophobes présents au sein du corps médical mènent à des conséquences négatives sur la santé des personnes grosses. Cela ne sera pas soudainement réglé avec l’arrivée de Wegovy. Je m’inquiète également du fait que le curseur sera de nouveau sur la perte de poids plutôt que sur l’accès et l’amélioration des soins. »
Une pression aggravée, sous couvert de « bienveillance »
Les deux interrogées s’attendent à un accroissement de la pression sur les personnes grosses, sous couvert de bienveillance. « Les médecins proposeront ces injections, les célébrités en vanteront les mérites, les proches en parleront à table. Les quelques avancées qui ont pu avoir lieu en matière d’accessibilité et de sensibilisation à la grossophobie vont en souffrir », soutient Marie de « Fat Ethnographies ».
Présentée comme facile, cette solution risque aussi d’être sans cesse ramenée sur le tapis auprès des personnes grosses. « Je n’ose pas imaginer les conversations à la machine à café. Comme ça a été le cas pour les chirurgies bariatriques, on va nous dire “Eh, toi qui es grosse, pourquoi tu le prends pas ?”, soupire Marie de Brauer. On m’a déjà demandé si j’allais tester Wegovy, mais moi, je milite pour qu’on me laisse tranquille ! »
Une « énième attaque contre l’existence des personnes grosses », selon l’humoriste, qui déplore : « on leur répète sans cesse qu’elles ne sont pas bien comme elles sont, que si elles ne prennent pas ce médicament non-remboursé à 300 € par mois, elles vont mourir. Mais ça ne résout pas le problème du rapport au corps. Parce que c’est ça la grossophobie : la détestation des autres, la détestation de soi-même et de son propre corps. Comment est-ce qu’on peut avoir envie de prendre soin de sa santé quand on croit que son corps est le problème source de toutes les choses qui ne vont pas dans sa vie ? »
Tout en précisant qu’elle ne veut surtout pas faire peser de jugement sur les personnes qui souhaitent mincir en ayant recours à cet injectable, l’autrice choisit de passer son tour. Et de conclure sa chronique pour France Inter par : « Perso, je vais continuer à ressembler à un nuage de meringues. »
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