Près de la moitié des personnes avec des pensées suicidaires ne se font pas aider
SANTÉ MENTALE – Le niveau de non-recours aux soins est « préoccupant » : il concerne environ la moitié des personnes avec des pensées suicidaires, plus de 60 % de celles avec un syndrome dépressif majeur ou anxieux sévère. C’est ce que révèle une nouvelle étude parue ce 4 juin qui documente la dégradation de la santé mentale post-Covid, insistant sur le poids des discriminations ou des réseaux sociaux.
Cet « état des lieux » s’appuie sur les derniers enseignements d’une enquête, EpiCov, menée en quatre épisodes pour suivre l’évolution de l’épidémie de Covid-19 et ses répercussions sur les conditions de vie et la santé.
Le non-recours aux soins de santé mentale chez les personnes qui paraissent en présenter le besoin est « à un niveau préoccupant ». « Seulement la moitié des personnes ayant eu des pensées suicidaires au cours de douze derniers mois déclarent avoir consulté un professionnel pour un motif psychologique sur la période (44 % des hommes et 56 % des femmes) », indique l’enquête.
Parmi les personnes qui présentaient, à l’été 2021, un syndrome dépressif majeur ou un syndrome anxieux sévère, impliquant un probable besoin de soins, le non-recours aux soins de santé mentale dans les quinze mois ayant suivi atteint 64 % (62 % des femmes et 69 % des hommes).
Une hausse surtout chez les jeunes femmes
Environ 64 000 personnes d’au moins 15 ans représentatives de la population vivant en France (hors Guyane, Mayotte et résidents en Ehpad ou prisons) ont été interrogées entre le printemps 2020 et l’automne 2022 pour cette étude, élaborée par le service statistique des ministères sociaux (Drees) et l’Inserm, avec Santé publique France et l’Insee.
Le dernier volet montre une hausse des pensées suicidaires entre l’automne 2020 et l’automne 2022 (de 2,8 % à 3,4 %), bien plus prononcée chez les moins de 25 ans, et davantage encore chez les jeunes femmes (8,7 %), résume la Drees. Pour les syndromes dépressifs, le constat est mitigé.
D’un côté, un « léger recul » de leur fréquence, de 10,6 % à 9,6 %, entre 2021 et 2022, principalement lié à une décrue des syndromes légers. De l’autre, une stagnation des syndromes majeurs, qui touchaient 5,3 % de la population à l’automne 2022.
Difficultés financières, isolement social et maladie chronique
Selon l’âge, la situation varie fortement. Pour les 15-24 ans, la prévalence des syndromes dépressifs est beaucoup plus élevée en 2022 que juste avant la pandémie -elle avait déjà fortement progressé entre 2014 et 2019. À l’inverse, elle est repassée sous le niveau de 2019 pour les 35 ans ou plus, et même sous celui de 2014 pour les 65 ans ou plus.
Comme facteurs de risque, tous les types de discriminations (âge, sexe, origine, poids, handicap) sont associées à la présence d’un syndrome dépressif, de même que le fait de se définir homosexuel ou bisexuel, d’être exposé aux écrans plus de six heures par jour hors raisons professionnelles, de compulser les réseaux sociaux au moins une fois par heure, pointe l’étude. Plus largement, les difficultés financières, l’isolement social et la maladie chronique sont très liés à la prévalence du syndrome dépressif.
Entre 2021 et 2022, les enfants et adolescents (5-17 ans), « plus particulièrement les filles », ont connu une hausse « significative » des difficultés émotionnelles, tristesse ou anxiété.