Tout ce que TikTok raconte sur le « taux de cortisol » est faux, selon ces scientifiques
SANTÉ – « Tu as souvent des douleurs au dos ou des migraines ? Tu es crevé ? Tu prends du poids, surtout au niveau du ventre ? Tu te sens angoissé, irrité ? » La liste des symptômes est si vague qu’elle pourrait correspondre à n’importe qui. Mais pour cette spécialiste du « stress et de la prise de poids » aux 400 000 abonnés sur TikTok, pas de doute sur le diagnostic : ces désagréments sont dus à un niveau de cortisol trop élevé.
Sur les réseaux sociaux, ce genre de discours pullule. Dans des vidéos qui peuvent atteindre plus d’un million de vues, des coachs, influenceurs ou naturopathes alertent sur le « dérèglement » de cette hormone, produite par les glandes surrénales, selon eux provoqué par le stress. La plupart d’entre eux, après avoir énuméré des symptômes, renvoient vers des conseils et des ventes de produits pour « faire baisser son cortisol ». Sport et méditation côtoient compléments alimentaires et recettes à base de jus de fruits et de sel, ou encore d’ail.
Les commentaires d’appels à l’aide affluent sous ces vidéos qui vantent des astuces scientifiquement prouvées, mais qui relèvent, pour la plupart, de l’intox. Qu’est-ce que ce cortisol qui obsède les réseaux sociaux ? Pour démêler le vrai du faux, Le HuffPost a interrogé Kalyane Bach-Ngohou et Justine Blin, enseignantes-chercheuses au laboratoire INSERM TENS et biologistes au CHU de Nantes, spécialistes des effets du stress sur le système digestif.
L’hypercorticisme, un problème de santé très rare
Même s’il a mauvaise presse sur les réseaux sociaux, le cortisol est indispensable à la vie, soulignent Kalyane Bach-Ngohou et Justine Blin. « Cette hormone influence le métabolisme et aide à maintenir une glycémie normale pendant les périodes de jeûne », explique la première. « C’est aussi effectivement une hormone de stress, ajoute Justine Blin. Elle permet de maintenir un métabolisme cohérent face aux stress physiques (le sport, le froid, l’hypoglycémie…) mais aussi au stress émotionnel. »
Est-il vrai que le stress peut entraîner une surproduction de cortisol ? Oui, mais il y a un « mais ». Si l’hypercorticisme pathologique existe, c’est une condition très rare (Kalyane Bach-Ngohou parle « d’un cas sur un million par an ») qui ne peut être diagnostiquée qu’avec des analyses médicales, notamment le dosage du cortisol, réalisé dans des laboratoires d’analyses médicales.
Devant la liste des symptômes décrits sur les réseaux sociaux, de la « cortisol face » (un visage qui serait gonflé à cause du cortisol) à la fatigue chronique et aux problèmes digestifs, Kalyane Bach-Ngohou est sceptique. « Ce n’est pas faux mais ce n’est absolument pas spécifique à l’hypercorticisme. On ne peut pas se passer de tests pour savoir si on est concerné ou non par ce problème de santé, et ce n’est pas parce qu’on est concerné par un ou deux signes qu’on a un problème de cortisol. » Et si on est concerné, « ce n’est pas sur les compléments alimentaires qu’il faut se ruer, mais il faut aller consulter un médecin », souligne-t-elle.
L’alimentation a peu d’effet sur le cortisol
Si les influenceurs qui affirment que votre « cortisol est trop élevé » mentent, cela ne veut pas dire que le stress n’a aucune incidence sur l’hormone en question. En dehors des cas d’hypercorticisme, le cortisol réagit au stress et cela peut par exemple engendrer, chez certains patients, des troubles digestifs. « Mais pas pour tous », précise Justine Blin.
Cela veut-il dire pour autant que le cortisol peut être régulé, notamment par l’alimentation ? « Il ne faut pas caricaturer, ni cataloguer les choses », rappelle avec prudence Kalyane Bach-Ngohou. Pour répondre à nos questions, les deux chercheuses proposent une revue de la littérature scientifique sur les liens entre stress, cortisol et alimentation. « Ce qui est assez bien accepté, c’est que les personnes qui sont plus stressées et qui ont une forte réponse cortisolique ont tendance à avoir envie de manger des aliments gras et sucrés », explique Justine Blin. « Mais il y a une mauvaise compréhension : au moment des pics de cortisol, le stress favorise la prise d’aliments gras et sucrés mais l’inverse est faux. Ce n’est pas parce qu’on mange gras et sucré qu’on va avoir des pics de cortisol. »
Les deux expertes sont claires : il existe très peu de liens scientifiquement établis entre cortisol et alimentation. Les compléments alimentaires à base de plantes pour « faire baisser le cortisol » ne reposent donc sur aucune preuve, de même que les programmes d’alimentation qui évitent certains aliments comme le riz ou les pâtes, et vantent l’ail et le poisson. Les « cortisol cocktails » à base de jus de fruits, d’eau de coco et de sel n’ont aucun impact sur l’hormone non plus.
De manière générale, les chercheuses invitent à se pencher sur le stress, dont le cortisol est un marqueur, plutôt que sur l’hormone en elle-même. « Quand on conseille de faire de l’exercice ou manger plus sain, c’est de la vérité générale du bien-être : cela a des conséquences sur notre qualité de vie. Le reste, notamment le fait de vendre des compléments alimentaires ou des produits miracles, c’est profiter de la souffrance des gens pour faire du business. Il n’y a pas de “produit miracle” pour faire baisser le cortisol. »
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