Claire Michel est tombée malade, mais la Seine (et E. coli) n’y sont sans doute pour rien
SANTÉ – « J’imagine que c’est ce qui arrive quand on nage dans la merde » : l’apostrophe d’un athlète australien ne date pas des Jeux Olympiques de Paris, mais d’un an plus tôt, à la suite d’une épreuve de triathlon organisée à Sunderland, au Royaume-Uni. Après avoir nagé dans la Wear, le fleuve qui traverse la ville, de nombreux participants avaient expérimenté diarrhées et vomissements. Quelques jours plus tard, les analyses sont formelles : le coupable est Escherichia coli.
Est-ce la même mésaventure qui est arrivée à Claire Michel ? Les autorités olympiques belges semblent le croire, alors que la sportive a dû se retirer (et son équipe avec elle) du relais mixte de triathlon mixte prévu lundi 5 août. Malade, l’athlète expérimente des symptômes gastriques que l’on peut associer à une infection à E. coli, quelques jours après avoir participé au triathlon dans la Seine le 31 juillet. La réputation du fleuve traversant Paris étant ce qu’elle est (ou ce qu’elle était), il fait figure de coupable idéal… Sauf si l’on regarde les choses de près.
Les comptes ne sont pas bons
Commençons par une confirmation. Selon son entraîneur, Thibault De Rijdt, Claire Michel aurait été malade dès le 1er août, soit le lendemain de la baignade. « Pour une gastro-entérite virale ou un provenant d’un E. coli, c’est possible en quelques heures », assure au HuffPost le professeur Alban le Monnier, chef du service de Microbiologie clinique à l’hôpital Saint-Joseph de Paris.
Le spécialiste n’écarte d’ailleurs pas la possibilité d’une contamination à Escherichia coli, expliquant qu’à la différence d’une piscine où l’on maîtrise totalement l’environnement, ici « le risque zéro n’existe pas ». Mais un problème se profile alors à l’horizon.
Côté suisse, Adrien Briffod, également sélectionné en triathlon, sera lui aussi finalement absent du relais, à la suite d’une gastro-entérite, une maladie qui peut être causée par E. coli. Malade dans la nuit qui a suivi sa baignade dans la Seine, il est le second et dernier à semer le doute sur une éventuelle contamination… Et ça ne colle pas. « Si jamais l’eau est vraiment mauvaise, il y a un effet falaise, c’est-à-dire que de nombreux participants tombent malades en même temps », explique Alban Le Monnier.
Après le triathlon de Sunderland, ce n’était pas un ou deux, mais une cinquantaine de participants qui étaient tombés soudain malades… Mais si la thèse de la Seine n’est pas la bonne, qu’est-ce qui est alors en cause ? Il faut pour cela comprendre ce qu’est cette bactérie pour chercher au bon endroit.
E. coli partout, malades nulle part
Escherichia coli a beau avoir un nom qui fait peur, elle est partout autour de nous, et en nous. Cette bactérie est très largement inoffensive, et certaines souches seulement sont pathogènes pour l’homme. L’E. Coli dite entérohémorragique, qui produit la drôlement nommée « shigatoxine », est l’une d’entre elles, entraînant 160 infections sévères par an dans l’hexagone selon l’Institut Pasteur. Son lieu de résidence ? Le tube digestif des ruminants, des bovins en particulier…
L’animal d’élevage est alors le point de départ pour toutes sortes de contaminations. Dans les eaux usées. Dans les produits laitiers, via la traite. Dans les légumes, par les déjections animales transformées en fumier, où survit la bactérie, épandue sur les plantations. Dans la viande elle-même, si dans les abattoirs des règles de découpe et de lavage ne sont pas respectées. Bref, tout ce que l’on mange et qui n’est pas entièrement cuit (E. coli meurt à 70 ° Celsius), est susceptible d’être contaminé par la bactérie si les règles d’hygiène en vigueur ne sont pas observées.
Et si le coupable, c’était alors le restaurant du village olympique ? Là encore, l’hypothèse paraît peu recevable. Il n’est pas nécessaire que tous les athlètes tombent malades, mais personne, dans l’entourage de Claire Michel, n’a partagé son infortune. « Ce qui définit une toxi-infection alimentaire, c’est quand au moins deux personnes qui ont partagé une même nourriture présentent des signes cliniques en même temps » décrypte le chercheur. 14.250 personnes résident (et s’alimentent) au village olympique : Claire Michel et Adrien Briffod n’ont sans doute pas été les seuls à choisir les crudités en entrée et la tarte en dessert.
La piste virale (faute de mieux)
Si la thèse de la nourriture et de l’eau de baignade est possible, elle n’est donc pas la plus probable. Il est possible que ce soit E. coli, mais l’infection peut tout à fait être virale. C’est d’ailleurs la thèse du président de la Fédération olympique suisse, comme le rapporte un journaliste de France Télévisions dans le message ci-dessous.
Les symptômes de la gastro-entérite sont compatibles avec de nombreux virus, et l’étendue de la maladie paraît contredire un E. coli dans l’eau, ou d’ailleurs à la cantine du village. Pour le moment, aucune épidémie n’y a heureusement été observée, mais cela n’empêche pas la circulation d’un virus rapporté de l’extérieur.
Quoi qu’il en soit, et en l’absence de nouveaux cas, la piste E. coli pourrait bien s’être tarie. Même si des analyses ont été commandées à la policlinique où avait été admise Claire Michel, il est probable que l’on ne remonte jamais la piste. « Un E. coli pathogène qui est ingéré tombe avec les centaines de milliards d’E. Coli “gentils” de notre intestin, et c’est très difficile de les séparer » décrypte Alban le Monnier. Autrement dit, si une contamination dans la Seine n’est pas impossible, elle est non seulement improbable, mais impossible à prouver.
À voir également sur Le HuffPost :
La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.