La cérémonie de Paris, « point de bascule » de la représentation LGBTQ+ dans l’olympisme
DIVERSITÉ – Un « grand bal populaire » avec les drag-queens Piche, Paloma et Nicky Doll, un trouple qui s’embrasse dans une chambre de bonne, une playlist concoctée par la DJ lesbienne Barbara Butch… La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris a été peuplée de moments queers et de tableaux dédiés aux personnes LGBTQ+.
Le metteur en scène de la cérémonie Thomas Jolly l’a dit : lui et ses équipes voulaient promouvoir des « idées d’inclusion, […] de bienveillance, de générosité, de solidarité ». Un choix qui n’a rien d’anodin quand on sait que le sport a longtemps été (et est toujours souvent) le domaine du virilisme et de représentations genrées traditionnelles.
Pour parler de l’importance d’un tel parti pris lors d’une telle cérémonie sportive d’envergure planétaire, Le HuffPost a interrogé Sylvain Ferez, maître de conférences à l’Université de Montpellier et auteur du Corps homosexuel en-jeu : Sociologie du sport gay et lesbien (éd. Presses universitaires de Nancy).
Le HuffPost – La cérémonie d’ouverture a été marquée par des thèmes queers. C’est rare, une telle mise en avant de personnalités LGBTQ+ dans une cérémonie sportive ?
Sylvain Ferez – C’est inédit. Même si je pense que la tendance apparaissait peut-être un peu avec la cérémonie des Jeux de Londres [en 2012]. Mais c’est sans doute un point de bascule. Ces événements sont importants parce qu’ils sont un thermomètre des transformations du social. Ici, on voit que, dans cet espace qui était plutôt réactionnaire sur des questions de société comme le genre et la sexualité, le mouvement social a fait son effet et que cette institution est en train de changer.
La topographie de la cérémonie de Paris a aussi joué un rôle pour souligner cette diversité. Les cérémonies dans les stades, ce sont des tableaux un peu déréalisés avec une dimension totalement fictionnelle, à part de la vie sociale. Là on était dans la ville, il y avait un effet de réel qui était lié à ce lieu. Il y avait quelque chose, en termes d’incarnation et d’impact social, qui était assez fort dans cette cérémonie du fait de la présence dans la ville.
C’est important d’avoir une représentation LGBTQ+ dans un tel événement ?
C’est important pour le public mais aussi parce que cela montre un point de bascule du point de vue du monde olympique. Celui-ci est en train de se rénover profondément depuis quelques années et a fait de la diversité une valeur canonique, alors que le sport venait de loin sur ces questions-là. C’est un changement d’agenda pour renouer aussi avec la jeunesse. C’est la question du renouveau de la sexualité, mais aussi des nouveaux sports, des sports urbains, de la diversité et du handicap. Une mue du monde olympique est en train de s’opérer depuis quelques années, et Paris est un moment d’accélération de cette dynamique.
Le risque, si ce travail n’est pas fait, est que les jeunes se désintéressent petit à petit de ce spectacle. On ne peut pas être en décalage avec le monde et les nouvelles générations. On sait que les questions queers et LGBTQ+ se sont beaucoup diffusées dans le monde social et il y a un moment où le mouvement olympique soit les refuse, soit les endosse. Là je pense que ça a été un temps particulièrement fort pour cela. Je n’ai pas le sentiment que ça va tout changer, mais l’institution assume qu’elle représente la diversité et le fait de la manière la plus spectaculaire et à l’échelle la plus importante.
Vous avez aussi travaillé sur le handicap dans le sport. Sur cette question, vous avez trouvé la cérémonie à la hauteur ?
La difficulté ici, c’est la question des deux cérémonies. Il y aura une cérémonie pour les jeux paralympiques, mais la soirée d’hier a essayé d’introduire dans ces images de diversité des images de handicap, notamment avec l’un des danseurs ou avec des athlètes paralympiques au moment d’allumer la flamme. Il y a eu une volonté de montrer des corps différents. Mais la fusion totale des jeux olympiques et paralympiques n’est pas claire et ces questions-là sont toujours en mouvement. Ceci dit, tout laisse à penser que les valeurs de la diversité en général vont être incarnées par le monde du sport, qui ne sera plus le monde d’un corps normé.
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