La précocité stupéfiante de cette nageuse chinoise interroge dans le monde de la natation
SPORT – Six petits centièmes de seconde. C’est ce qui a manqué à la jeune nageuse chinoise Yu Zidi pour monter sur son premier podium lors des Mondiaux de natation durant la finale du 200 m 4 nages. Ce genre d’écarts est courant en natation. L’âge de l’athlète concerné, beaucoup moins. Car Yu Zidi n’a que 12 ans, une précocité faisant beaucoup parler autour des bassins de Singapour et dans tout le monde du sport.
Ce mercredi 30 juillet, c’est la Fédération internationale de natation qui a fini par réagir à ces performances hors du commun, en évoquant la possibilité de revoir son règlement concernant l’âge minimum de participation à ses compétitions. « Nous allons examiner la situation et voir si nous devons aller plus loin ou si nous sommes à l’aise avec notre position actuelle », a déclaré le directeur général de World Aquatics, Brent Nowicki, lors d’un point presse avec plusieurs médias.
« Je ne pensais pas que j’aurais à répondre à cette question un jour. Nos minima sont tellement stricts, je ne pensais pas qu’une fille de 12 ans les atteigne », a-t-il répondu, interrogé sur la présence de Yu Zidi aux Mondiaux à Singapour.
« Je n’ai jamais vu ça de ma vie »
La Chinoise, née en 2012, est alignée cette semaine sur le 400 m 4 nages, le 200 m 4 nages et le 200 m papillon. Et elle est loin de faire de la figuration : en plus donc de s’être classée 4e du 200 m 4 nages à l’issue d’une course très relevée, elle s’est qualifiée ce mercredi pour la finale du 200 m papillon avec le 8e temps des demi-finales.
D’après le règlement actuel, les athlètes doivent avoir au minimum 14 ans pour participer aux Mondiaux, mais des exemptions peuvent être délivrées si, comme Yu Zidi, ils réalisent des minima suffisamment élevés en amont. « Elle est clairement rapide. Cela pourrait être quelque chose de vraiment intéressant à suivre sportivement (…) Mais maintenant, je pense qu’on doit se poser la question (…) : devons-nous mettre en place d’autres garde-fous ? », s’est interrogé Brent Nowicki.
Ces chronos fous interrogent en tout cas beaucoup dans le monde de la natation, notamment sur la musculature déjà impressionnante de Yu Zidi à seulement 12 ans. « Pour nager à ce niveau-là, il faut faire un travail de spécialisation. À quel âge a-t-elle commencé à faire ce type d’entraînement ? » a ouvertement questionné auprès de L’Équipe Denis Auguin, DTN (Directeur technique national, soit le responsable de la performance) à la Fédération française de natation. « Je veux bien qu’elle soit extrêmement douée, qu’elle ait beaucoup de talent, mais pour ce niveau de performance, il faut s’entraîner comme un adulte. En termes de santé mentale et d’équilibre personnel, à cet âge-là, ça me pose question », a-t-il poursuivi.
Réaction également abasourdie du côté de la nageuse française Anastasiia Kirpichnikova, médaillée d’argent aux JO de Paris. « Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Moi à 12 ans, je ne faisais rien ! Ça me choque. Je disais qu’en France, on n’a même pas le droit de mettre la combinaison à cet âge et elle, elle fait quatrième d’une finale mondiale ! », a-t-elle déclaré dans des propos rapportés par Le Parisien.
« Ce n’est pas normal à 12 ans »
D’autres préfèrent au contraire mettre en avant sa performance sportive, alors que la natation est un sport où des champions émergent souvent très jeunes, à l’image de l’Américaine Katie Ledecky championne olympique à 15 ans seulement en 2012, ou de la Japonaise Kyoko Iwasaki sacrée à 14 ans et 6 jours aux JO de Barcelone en 1982.
« Il ne faut pas dire que parce qu’elle est Chinoise, elle est forcément dopée. Je suis juste impressionnée par ses performances », insiste auprès du Parisien la nageuse française Mary-Ambre Moluh, elle-même âgée de 19 ans, qui estime que Yu Zidi a « vraiment du talent » et que « toutes les gamines de 12 ans ne pourraient pas faire ça ».
La nageuse française Lilou Ressencourt, éliminée lors des demi-finales du 200 m papillon et battue par Yu Zidi, s’est également livrée sur celle qui est de 10 ans sa cadette… alors qu’elle n’a elle-même que 22 ans. « J’ai 22 ans et je trouve que gérer des championnats du monde, même des championnats de France parfois ça peut être compliqué », a-t-elle déclaré auprès de RMC Sport après les séries, où les deux nageuses s’étaient qualifiées. Avant d’également s’inquiéter de sa santé mentale. « Ce n’est pas normal à 12 ans d’avoir cette pression-là. Donc au-delà de l’aspect physique, cet aspect mental peut être dur à gérer. »
La collégienne, surnommée en Chine « la petite fille d’acier », avait déjà stupéfié le milieu de la natation en mai, lors des championnats de Chine, avec des chronos impressionnants. Elle a notamment survolé le 400 mètres quatre nages en 4’35”53, un temps qui lui aurait permis de terminer quatrième aux JO de Paris.



