Sports

Le it bag de l’année 2023 n’est vraiment pas celui sur lequel on aurait misé

MODE – Chanel, Dior ou Louis Vuitton ? Non. H&M, Uniqlo ou Zara ? Non plus. Ce n’est pas dans les vitrines des grandes maisons de luxe, ni même dans celles des enseignes de prêt-à-porter, qu’il vous faut regarder pour trouver le sac le plus en vogue de l’année. C’est du côté d’une salle de sport : Basic-Fit.

À Paris, comme un peu partout ailleurs en France où la chaîne de fitness s’est implantée, un sac à dos gris et orange aux couleurs de l’entreprise a envahi les rues. Ni trop grand, ni trop petit, il possède plusieurs poches latérales, idéales pour y enfermer sa paire de chaussettes mal odorantes, son short ou ses runnings.

Alors que son style ne l’y prédestinait a priori pas, il est partout. Et pas seulement sur le dos des sportifs, comme l’a constaté le magazine Society dans un numéro, en juin. « On m’en réclame plusieurs », témoigne même un employé d’accueil d’un des clubs de sport dans les colonnes du Parisien.

Le phénomène se retrouve aussi en ligne, où plusieurs comptes Instagram lui sont dédiés. Sur Vinted, également, on ne compte plus le nombre d’exemplaires neuf ou d’occasion en vente. Certains y sont mêmes proposés à 50 euros.

Malin car, en France comme dans tous les autres pays, le sac Basic-Fit est offert, depuis juillet 2021, pour toute souscription à un abonnement avec engagement d’un an. Et ce, « sans exception », nous confirme un porte-parole de la chaîne. Avant de préciser : « Quelqu’un peut redevenir membre et avoir de nouveau un sac à dos. »

Aujourd’hui, Basic-Fit revendique un chiffre de 3,7 millions d’abonnés à l’échelle européenne. Et donc, autant de sacs à dos ? Pas si sûr. Difficile, aussi, de dresser le portrait-robot du propriétaire dudit accessoire. Est-ce un homme ou une femme ? Est-ce un athlète ? Ou cette personne l’a-t-elle acheté en douce à prix d’or sur Vinted pour avoir l’air cool ?

Le phénomène Lidl

Pour la journaliste mode et autrice de l’essai Le goût du moche Alice Pfeiffer, le succès de cet accessoire rappelle celui des produits dérivés Lidl. Comme des pulls de Noël ou des baskets de la chaîne de magasins discounts, plusieurs objets se sont retrouvés en rupture de stock quasi immédiate après leur mise en ligne et ont été revendus sur Le Bon Coin et eBay à des prix pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de fois celui d’origine.

« L’industrie de la mode fonctionne sur un système de déplacement, en voulant ’élever’ des éléments du quotidien empruntés aux classes populaires. C’est comme si tout à coup, parce que c’était porté par une modasse, ça devenait cool », nous explique Alice Pfeiffer.

Elle poursuit : « En d’autres termes, ça revient à anoblir un objet. C’est là aussi tout le problème. La mode a toujours fonctionné avec ce système d’emprunt, mais à l’heure de l’appropriation culturelle, ça passe moins. On est plus conscient de ce qui coince. »

Ce qui diffère avec ce sac à dos, nous dit-elle, c’est qu’il est moins assimilé aux codes populaires qu’un sac Tati ou une paire de Crocs, deux produits parmi de nombreux autres répliqués en version « luxe » par Balenciaga, par exemple. « On est à la lisière avec une autre culture : celle du sportswear spécialisé et du fitness », ajoute Alice Pfeiffer.

Ici, porter son sac Basic-Fit sur le dos rappellerait fièrement à ceux derrière nous dans la rue qu’on fait du sport. Ou du moins, qu’on va à la salle, comme quelque 6 millions de Français, d’après des chiffres du cabinet Deloitte, en 2019.

L’habile stratégie de Keepcool

« En revanche, comme Basic-Fit est tout de même considérée comme une chaîne de salles de sport low-cost, le jour où un directeur artistique de maison de luxe décide de s’inspirer du fameux sac, on sera en mesure de se demander s’il n’y a pas un léger mépris de classe, si ce n’est pas encore une sorte de ’cosplay du pauvre’. »

Pour l’heure, le groupe néerlandais savoure la réussite de son plan comm’. « Dans les gares, aéroports, stations de bus, la rue, nous voyons régulièrement des personnes qui portent le sac à dos Basic-Fit. La visibilité est décuplée, le sac Basic-Fit est visible partout et tout le temps », nous a-t-on répondu.

De quoi faire envie à ses concurrents. Ce mois-ci, la chaîne Keepcool a lancé une opération baptisée « Pimp my bag ». Le principe ? Elle propose à celles et ceux qui le souhaitent de venir recouvrir leur sac de sport « d’une marque concurente » – dissimulant par là même le logo – en échange de six mois d’abonnement gratuit. À 9,90 euros le mois, ça sent l’affaire. Peut-être plus qu’un sac Basic-Fit sur Vinted.

À voir également sur Le HuffPost :