Une partie des amendes va-t-elle vraiment dans la poche des contrôleurs SNCF ?
SNCF – Son histoire a suscité une vive émotion dans les médias et sur les réseaux sociaux. L’habitante de l’Oise, qui avait reçu une amende de 50 euros par un contrôleur en se rendant à une séance de chimiothérapie, a finalement été remboursée par la SNCF, a-t-elle assuré au HuffPost lundi 23 juin. Ludivine, qui avait d’abord témoigné auprès du Courrier Picard, s’était aussi émue que le « méchant monsieur » qui l’a contrôlée ait gagné « 10 % de [son] amende ».
L’argument des commissions touchées par les contrôleurs revient fréquemment dans la discussion, mais celles-ci existent-elles vraiment ? Oui, à en croire un document interne qu’avait consulté Le Parisien en mars 2024. Celui-ci détaillait même un taux de commission en fonction des différentes infractions, de 4 % quand le voyageur s’est signalé de lui-même à 10 % quand l’amende est « délivrée lors d’un contrôle ».
Suivant ce barème, il semble crédible que le contrôleur qui a verbalisé Ludivine ait récolté 10 % de commission, puisque l’amende a été attribuée lors d’un contrôle. Il avait d’ailleurs reproché à la passagère de ne pas s’être présentée directement à lui, ce à quoi elle avait répondu que sa maladie épuisante la conduisait à limiter ses déplacements.
Les pourcentages de commission avancés par Le Parisien sont similaires à ceux relevés par BFMTV. Une source citée par la chaîne d’information en continu faisait état de « 4 % pour une transaction tarifaire simple (ex : vente d’un billet) » et de « 10 % pour une transaction dite complexe (traversée de voie, pieds sur les sièges, fraude caractérisée ».
Les contrôleurs assurent qu’ils ne font pas de « zèle »
Faut-il en déduire que ces commissions poussent les contrôleurs à favoriser l’« indifférence » et la « cruauté », comme l’a ressenti Ludivine ? Les professionnels interrogés par plusieurs médias insistent sur le fait que le montant cumulé à la fin du mois n’est pas colossal. Les commissions permettent aux contrôleurs de toucher « de l’ordre d’un plein d’essence à un panier de courses », explique Franck, délégué ferroviaire à l’UNSA, interrogé par TF1.
Même son de cloche du côté d’un ex-contrôleur de TER questionné par BFMTV. « Je ne pense pas que ce soit les primes liées aux régularisations qui poussent à faire du zèle, avait-il déclaré. Lorsque j’étais contrôleur, cela représentait environ 30 euros par mois et ce n’est pas assez motivant pour se prendre des coups ». Une analyse partagée par la SNCF. Sollicitée par plusieurs médias sur la question, la compagnie ferroviaire a confirmé que la « prime de perception » qui regroupe toutes les commissions sur les amendes à la fin du mois est « marginale » par rapport au salaire des agents.
La SNCF fait aussi valoir que ce genre d’incitation existe dans toutes les entreprises dont les salariés doivent lutter contre la fraude. Elle pointe par ailleurs l’ampleur du manque à gagner causé par les passagers clandestins et estimé à 200 millions d’euros par an. Un gouffre qui pénalise notamment les investissements dans de nouvelles rames, selon la société publique. Dans le cas de Ludivine, la SNCF a par ailleurs rappelé que ses agents sont incités à appliquer la même règle à tout le monde, pour éviter le risque d’arbitraire.
Libre ensuite au passager mécontent de contester l’amende. « Nous réexaminons régulièrement des cas individuels lorsque les clients les portent à notre connaissance », a assuré la SNCF dans un mail adressé au HuffPost. Si les règles sont les règles, la compagnie se dit aussi attachée à ce qu’elles soient « appliqué[es] de façon adaptée à chaque client ».